Le gouvernement retarde la mise en oeuvre du "référendum d'initiative populaire"Le président de l'Assemblée nationale, Bernard Accoyer, s'est félicité, lors des journées parlementaires de l'UMP, vendredi 25 septembre, que toutes les lois d'application des dispositions issues de la révision constitutionnelle de juillet 2008 aient été mises en oeuvre ou soient en passe de l'être. Toutes ? Ou presque. L'une d'entre elles n'a pas encore vu le jour : celle qui doit déterminer les conditions d'organisation d'un référendum dit d'"initiative populaire", qu'il est plus juste de qualifier d'"initiative conjointe", puisqu'il conjugue l'initiative parlementaire et le soutien populaire.
Un référendum permettant aux électeurs de se prononcer sur un projet de loi ? Pour la gauche, s'il est un sujet sur lequel les citoyens devraient être consultés, c'est sur l'organisation des services publics. Ainsi, à différentes reprises, des responsables de l'opposition ont-ils estimé que le changement de statut de La Poste, transformée en société anonyme, devait être soumis à référendum.
Le projet de loi du gouvernement sur La Poste a été présenté en conseil des ministres le 29 juillet. Il doit à présent être inscrit à l'ordre du jour de la session parlementaire. Le projet de loi organique qui aurait dû permettre de mettre en oeuvre une procédure de consultation populaire n'est, quant à lui, "toujours pas dans les tuyaux", comme l'indiquait récemment au Monde Henri de Raincourt, le ministre chargé des relations avec le Parlement. Il n'est pas interdit de penser que le chef de l'Etat et le gouvernement ont préféré éviter de donner à l'opposition, sur ce dossier sensible, l'opportunité d'user d'un droit qui, formellement, avait pourtant été inscrit dans la Constitution.
NOMBREUX VERROUSL'ensemble des composantes de la gauche a lancé une initiative conjointe de "référendum populaire", qui devrait culminer le 3 octobre, pour alerter et mobiliser contre le projet du gouvernement. Cette campagne de pétitions ne pourra cependant avoir de valeur juridique.
De son côté, le président du groupe socialiste de l'Assemblée nationale, Jean-Marc Ayrault, a déposé, le 1er septembre, une proposition de résolution demandant au gouvernement de présenter "dans les meilleurs délais" le projet de loi organique mettant en oeuvre la réforme de la Constitution sur l'extension du référendum. Il devrait défendre ce texte au Palais-Bourbon le 15 octobre, sans guère de chances de voir celui-ci suivi d'effet. L'opposition pourra d'autant moins, à court terme, tenter de bloquer, ou même de défaire, le projet de loi sur La Poste que l'initiative d'un référendum ne peut avoir pour objet l'abrogation d'une disposition législative promulguée depuis moins d'un an. La réforme constitutionnelle a prévu assez de "verrous" pour empêcher que ne prospère cette forme de consultation "populaire" en faveur de laquelle la plupart des candidats à la présidentielle de 2007 s'étaient prononcés. Sans en donner tous la même définition.
Le texte issu de la révision encadre strictement les possibilités de mise en oeuvre du référendum, dont la décision revient, in fine, au président de la République. Pour que la proposition, portant sur un champ bien délimité, puisse aboutir, il faut que la demande en ait été faite par un cinquième des membres du Parlement, soit 184 élus, ce qui en confère l'usage exclusif aux deux principales formations, l'UMP et le PS. Elle doit être soutenue par un dixième des électeurs inscrits, soit environ 4,5 millions de signatures. En dépit de ces précautions, le gouvernement a jugé plus prudent d'en retarder la mise en oeuvre.
Patrick Roger
Le Monde