Tentative de hold-up électoral et financierL'arme électorale tourne au casse-tête dans le camp de la droite. Le projet de réforme territoriale du gouvernement prévoyait pour les élections régionales et cantonales de 2014 un scrutin uninominal dans les zones rurales, et proportionnel dans les zones urbaines. Ce mode d'élection différent pour un même mandat de 'conseiller territorial' est contraire à l'équité constitutionnelle.
Le gouvernement retouche donc sa copie et proposerait un scrutin uninominal à un tour avec une part de proportionnelle pour les battus ou les représentants des petites formations, une tentative de hold-up électoral. Quant à l'état des finances locales privées de la taxe professionnelle, Alain Juppé a dit l'essentiel : 'On se fout de nous !' Il ne s'agit en définitive que de reprendre à la gauche par tous les moyens les collectivités dont elle a la gestion et de contrôler l'organisation et le développement des territoires.
C'est en effet une vaste opération de recentralisation et d'affaiblissement des collectivités territoriales qui est engagée par le chef de l'Etat et son gouvernement. Ainsi, ce qui n'a pu être obtenu par un tripatouillage (l'élection à un tour dès les élections régionales de 2010) s'obtiendrait en deux étapes, à l'horizon 2014, par l'élection simultanée des conseillers généraux et régionaux devenus 'territoriaux' au prétexte de la diminution du nombre des élus.
Cela aura pour effet direct d'éloigner les élus des citoyens, alors que c'est tout le contraire qui est attendu de tous aujourd'hui. Quant à la cohérence recherchée et indispensable des politiques territoriales dans ce projet, il s'agit d'un leurre. En constituant l'assemblée régionale d'élus représentant les cantons, on va en réalité cantonaliser la région, alors que ses missions d'aménagement régional, de développement de la recherche, de l'économie et de la formation ne sauraient se résumer à l'addition des besoins légitimes des cantons.
Nous combattons cette réforme parce qu'elle tourne le dos à la décentralisation et déboucherait, de fait, sur une plus grande confusion des compétences des collectivités, alors que nous ne cessons de demander leur clarification. Ce qui se profile derrière ce trompe-l'oeil, c'est la volonté de museler des régions qui consacrent avec succès la plus grande part de leurs moyens à la formation, à l'innovation, à l'action économique, aux transports et aux lycées.
Régression graveLes régions préparent l'avenir et conduisent d'authentiques politiques sociales pour un développement économique durable, la défense de l'emploi et le respect de l'environnement. Leur investissement est vital au moment où l'Etat se désengage massivement et accroît les inégalités.
Cette réforme étant reportée à 2014, le gouvernement a décidé de pousser les feux dès 2010 sur la réforme fiscale des collectivités locales. Sous couvert de réforme, l'Etat met résolument en péril les moyens d'action des régions et des départements. L'actuel projet de loi supprimant la taxe professionnelle met en cause les fondements du système fiscal local. C'est l'autonomie financière des régions et des départements qui serait mise à mal en les coupant de l'essentiel de leurs ressources directes. Les engagements du premier ministre de compenser à l'euro près ces pertes de ressources ne sont pas crédibles de la part d'un gouvernement qui n'a eu de cesse d'asphyxier les collectivités en leur transférant sans cesse de nouvelles charges sans les compenser.
La fiscalité régionale repose actuellement sur l'équilibre entre la part issue de la fiscalité des ménages et celle issue de la taxe professionnelle des entreprises. Rompre cet équilibre ne serait pas sans conséquence. Car il est clair désormais que la taxe dite "carbone" viendra combler la perte de la taxe professionnelle, reportant sur les ménages de manière tout à fait injuste un effort supplémentaire, tandis que le bouclier fiscal, lui, perdure. Ce piètre artifice montre le peu de prix attaché, en réalité, aux engagements claironnés du Grenelle de l'environnement.
Ces projets sont dangereux pour la décentralisation : départements et régions seraient au terme de ces manipulations entièrement soumis au bon vouloir de l'Etat, avec plus de 90 % de leurs ressources désormais gérées par lui, contrôlant et contraignant l'action publique régionale. Ce serait une régression grave au regard de la volonté initiale du législateur de créer des collectivités autonomes, disposant de ressources propres qui garantissent leur action dans la durée.
C'est donc bien en effet d'une recentralisation agressive dont il s'agit. Nous revendiquons au contraire plus d'autonomie financière, plus de ressource fiscale identifiée, plus de représentation démocratique véritable de chaque échelon territorial.
François Bonneau,
président (PS) de la région Centre
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