Raoult contre Ndiaye :
le député UMP invente un devoir de réserve des écrivainsÇa chauffe sec du ciboulot, dans les hautes sphères de la Sarkofrance.
Après le contes de fées berlinois posté par un scribe mal renseigné sur la page Facebook de l’omni-préz‘, voilà que l’ancien ministre UMP Éric Raoult, également député maire du Raincy (Seine-Saint-Denis) et membre du fan-club de Ben Ali en Tunisie, invente un nouvel ovni médiatico-politique : le rappel à un prétendu «devoir de réserve» pour la romancière
Marie Ndiaye, récemment couronnée du prix Goncourt et interrogée dans la presse à propos de ce qu’elle pensait, aujourd’hui, de la France…
Dites voir, m’sieur Raoult, si vous tenez vraiment à parler de «devoir de réserve», prenez au moins la peine de vous renseigner :
cela concerne seulement les agents de l’État, civils et militaires, et encore, cela ne figure pas dans le statut de la fonction publique, mais provient de la jurisprudence.
Et j’en sais quelque chose, vu que je suis moi-même agente de l’État, dans l’un des grands beaux services d’administration régalienne. En plus d’écrire.
Les employé(e)s de l’État sont tenu(e)s à la retenue dans l’expression de leurs opinions, spécialement politique, dans l’exercice de leurs fonctions. (Cela ne concerne pas, notamment, la faculté de manifester ou de militer dans un parti ou un syndicat.) En pratique, cela oblige à distinguer entre l’individu privé et le fonctionnaire. Le premier peut poster «#sarkopipo» sur Twitter en toute liberté.(1) Mais si le même s’avisait de mettre au guichet où il travaille une pancarte portant ce message, alors là, oui, il y aurait à la clef des sanctions disciplinaires !
Et où se situent les romanciers, dans tout ça ?
Nulle part.C’est une chose qu’un homme de droite devrait pourtant comprendre aisément : les écrivains professionnels font partie des travailleurs indépendants, au même titre que les professions libérales. Et n’ont pas de comptes à rendre à l’État de leurs opinions.
Même si ces opinions sont gênantes pour le parti actuellement aux affaires, cela ne justifie pas une réaction digne d’un caïd de cour de récré.
À moins… À moins, bien sûr, que notre politicien pressé n’ait pensé au frère de la romancière, Pap Ndiaye, historien et maître de conférences à l’EHESS ? Lui, au moins, est payé par l’État… Mais il serait tout de même un peu (beaucoup) bizarre de le confondre avec sa sœur !
Vite, des lunettes pour Éric Raoult ! Ou bien une prothèse de cerveau !
Irène Delse
http://networkedblogs.com/p17230127
Raoult veut bâillonner Ndiaye et les Goncourt, pour la France www.rue89.com/2009/11/10/raoult-veut-bailloner-le-prix-goncourt-marie-ndiaye-au-nom-de-la-france-125432