Mont-Saint-Michel, la face cachée d’une machine à fric«L’abbaye du Mont-Saint-Michel est l’un des cinq sites rentables sur les 95 gérés par le Centre des monuments nationaux», explique Jean-Marc Bouré, administrateur des lieux depuis février dernier. Pour 3 millions d’euros de charges, il aligne 9 millions de recettes, issues à 70% de la billetterie (1,2 million de visiteurs par an). Le reste : les ventes de la boutique et la location occasionnelle du site. Comptez 15 000 euros, traiteur non compris, pour une soirée de prestige (la
Société générale l’an passé, par exemple).
www.capital.fr/enquetes/revelations/mont-saint-michel-la-face-cachee-d-une-machine-a-fric-522704Un sacré businessSi l'archange saint Michel veille sur le sommet du Mont, Hermès, le dieu grec du commerce, est chez lui à sa base. Sous les remparts, de simples parkings publics génèrent les jours d'affluence 16 000 euros de chiffre d'affaires. Le recensement officiel fait état de 43 habitants dans la commune du Mont-Saint-Michel, dont une dizaine au sein de la communauté religieuse. Mais le « Rocher » compte 54 commerçants. En été, la rue principale, avec musées en tout genre, est aussi fréquentée qu'une allée centrale d'hypermarché un samedi. Les chariots en moins. Dans la bousculade résonnent les caisses enregistreuses des boutiques de souvenirs : les tours Eiffel miniatures côtoient les « boules de neige » Mont-Saint-Michel. Quinze hôteliers et restaurateurs proposent 130 chambres et 2 000 places de restaurant.
Un nombre encore insuffisant pour faire face au flux des 3 millions de visiteurs annuels, qui seraient bien à l'étroit sur l'îlot. En face, sur le continent, au début de la digue-route, au lieu-dit la Caserne, on dénombre 450 chambres et 2 000 places de restaurant.
Des groupes puissants.
D'abord propriété des vieilles familles montoises, une partie des commerces locaux, à partir des années 60, est tombée dans l'escarcelle de la Sodetour, fondée par un ancien maire du Mont-Saint-Michel. Avec une dizaine d'actionnaires, la Sodetour, qui règne sur la Caserne, sorte de deuxième Mont-Saint-Michel, compte 200 salariés.
Autre groupe, plus puissant, La Mère Poulard, que dirige Eric Vannier, maire depuis 1983 (avec une interruption de 2001 à 2008). Né à Issy-les-Moulineaux mais revendiquant des racines locales -« J'ai appris à marcher au Mont »- Eric Vannier, 55 ans, a constitué un groupe taillé pour le tourisme de masse. À partir du Musée historique hérité de sa famille, cet homme d'affaires, qui vit six mois par an à Paris, a racheté hôtels et restaurants, dont l'auberge La Mère Poulard. Le PDG, actionnaire à 100 %, refuse de communiquer le chiffre d'affaires.
L'homme a déposé la marque Mère Poulard, et l'a déclinée en biscuits sucrés et salés, chocolats, cidre et oeufs, que l'on trouve en tête de gondole dans les supermarchés- jusqu'au Japon. Au sein de ses 17 établissements, le groupe d'Éric Vannier emploie un millier de salariés, dont 200 dans ses unités agroalimentaires. Face aux deux groupes résistent les familles Hireux, Nicolle et Gaulois. Patrick Gaulois, 54 ans, qui fut maire de 2001 à 2008, emploie une centaine de personnes. [...]
Eric Vannier préconise 1.000 places de parking supplémentaires, des navettes moins grandes et plus nombreuses. [...]
Pour recadrer cette partie du chantier, le maire en appelle à
Nicolas Sarkozy. « En 1992, il avait contribué à désensabler le projet qui s'était enlisé après son lancement par François Mitterrand. Le président peut redonner une nouvelle impulsion. » [...]
31/07/2008
www.lepoint.fr/actualites-societe/2008-07-31/un-sacre-business/920/0/264272Michel Bruneau*, chef cuisinier chez la Mère PoulardLe Mont Saint-Michel perd-il le nord ?Conçus pour préserver le site, les réaménagements en cours enflamment la baie. Tout est question d'orientation : faudra-t-il faire partir les navettes du nord ou du sud du parking ? Le maire, qui possède hôtels et restaurants, est accusé de manquer de neutralité. [...]
Nord, sud ?
Le débat sur le futur point de départ de ces autobus enflamme la baie. Il fait passer également au second plan le grand projet auquel il est associé : le rétablissement du " caractère maritime " de ce fleuron du tourisme mondial visité chaque année par 2,5 millions de personnes.
Né en 1952, élu à quatre reprises à la tête de cette mini commune de 100 habitants,
Éric Vannier est aussi le propriétaire de
l'Auberge de la Mère Poulard, restaurant mondialement connu pour son omelette. Battu aux municipales de 2001, cet ancien encarté RPR reprend la mairie en mars 2008.
Deux mois après, il écrit à
Nicolas Sarkozy en vue de "recadrer" le plan d'acheminement imaginé par le Syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel... Miracle : un an et demi plus tard, l'appel d'offres lancé par le Syndicat mixte auprès de quatre groupes privés candidats à la Délégation de service public retient une "variante" proposée par
Veolia de faire partir les navettes au nord. Au pied de chez monsieur le maire.
Depuis, la tempête souffle sur la baie avec l'énergie d'une marée d'équinoxe. Le principal rival commercial de Vannier,
Jean-Yves Vételé, a déposé deux recours devant la justice administrative (il a gagné le premier et perdu le second ; des appels sont en cours). Patron de la
Sodétour, une société regroupant plusieurs familles locales et gérant un ensemble hôtelier et commercial, Vételé dénonce un "manque d'équité" dans la captation de la clientèle de passage. Comme dans les films de série B,
la Caserne est en effet coupée en deux : la Mère Poulard "détient" le nord de la zone, la Sodétour le sud. Craignant que les touristes circulent peu devant ses établissements, Vételé estime à 4 millions d'euros de chiffre d'affaires le préjudice à venir. "Il ne fait aucun doute que M. Vannier a fait un travail de lobbying actif au sein du Syndicat mixte" pointe-t-il.
D'autres voix, comme celle de l'ancien maire
Patrick Gaulois, proche de Vételé, se souviennent du climat de "psychose" que Vannier aurait entretenu au sein des commerçants intra-muros - population au poids prépondérant vu qu'elle constitue l'unique catégorie professionnelle de la commune : "Il nous a expliqué que si les navettes partaient du sud, des boutiques seraient créées sur le parking même : les touristes, du coup, n'iraient plus acheter de crêpes chez nous."
Un autre argument pèsera également beaucoup dans la balance : le
Tarif des billetsDans sa lettre de mai 2008 à Nicolas Sarkozy, Eric Vannier va jusqu'à évoquer une fourchette de "15 à 25 euros". Le hasard, ou la raison, fera bien les choses : dix-sept mois plus tard, la " variante " imaginée par Veolia, le groupe d'
Henri Proglio, ami proche de Nicolas Sarkozy propose un tarif à 8,50 euros pour un départ au nord. Son montant peut sembler exagérément bas alors que 900 mètres séparent les deux options : la différence s'explique notamment par le fait qu'il est plus simple de transporter des piétons s'épanchant jusqu'à un point donné que des flux de touristes sortant directement de leur auto.
Autre avantage : l'option sud aurait entraîné un surcoût de 4,5 millions d'euros pour les collectivités. Celles-ci paient déjà 185 millions d'euros sur les 212 que coûte le projet global de rétablissement de l'insularité du Mont. "On a choisi le nord car c'est le moins cher", martèle aujourd'hui le président du Syndicat mixte, Laurent Beauvais, également président (PS) de la région de Basse-Normandie. L'option nord est adoptée à l'unanimité.
L'histoire en resterait là si Laurent Beauvais ne venait pas, il y a un mois, de commander une étude interne sur les incidences techniques et financières d'un
éventuel retour... au sud, d'ici deux ans !
Un pas en avant, un en arrière ? Derrière ce pragmatisme très normand en apparence - "Regardons ce que cela donne et modifions les choses si besoin" se cache une stratégie : se rabibocher avec la région Bretagne.
Ajoutant au méli-mélo, celle-ci a en effet voté une délibération, fin juin, pour
réclamer que les navettes partent au sud. Les Bretons ne s'étaient pourtant pas opposés au nord, fin 2009. Mais ils ont changé d'avis en prenant conscience de l'aberration du plan de circulation : "Demander à des touristes de marcher 900 m à l'aller et autant au retour pour prendre un bus est une hérésie complète", estime Maria Vadillo, la vice-présidente (PS) chargée du tourisme et du patrimoine au Conseil régional. Depuis, la Bretagne ne siège plus aux réunions du Syndicat mixte.
Comment ne pas voir derrière ce différend régional la résurgence d'une querelle ancestrale sur
l'identité normande ou bretonne du Mont-Saint-Michel ? L'affaire est plus terre à terre en vérité : si l'option nord coûte moins cher que l'option sud, elle se révèle aussi
plus longue pour les visiteurs. Ceux-ci pourraient rester jusqu'à deux heures de plus sur place. Autant de temps qu'ils ne passeront pas ailleurs, notamment dans la partie bretonne de la baie ou à Saint-Malo, destination souvent couplée au Mont-Saint-Michel. Cette projection est aussi redoutée par les tour-opérateurs spécialisés dans la clientèle japonaise. Une véritable manne pour l'économie locale que ces 300 000 visiteurs nippons annuels.
[...]
6 Janvier 2012
www.lemonde.fr/m/article/2012/01/06/le-mont-saint-michel-perd-il-le-nord_1625944_1575563.html
Le texte complet :
http://lemontsaintmichel.centerblog.net/65-enfin-la-verite-sort-du-puits*
www.amabilia.com/contenu/point_de_rencontre/michel_bruneau.htmlNavettes du mont Saint-Michel : le maire du site en correctionnelle Le maire du Mont-Saint-Michel, Eric Vannier (DVD), comparaîtra le 30 janvier 2013 en correctionnelle pour prise illégale d'intérêts dans l'affaire des navettes qui acheminent depuis six mois les touristes de la côte au site et dont le point de départ se situe devant les restaurants qu'il possède.
Le procureur de la République, Renaud Gaudeul, a annoncé vendredi 26 octobre citer devant le tribunal le patron du groupe La Mère Poulard qui "possède des établissements précisément de part et d'autre du point de départ des navettes" choisi, alors qu'une modification de ce point de départ est envisagée pour 2013.
À l'issue de l'enquête de la section de recherches (SR) de la gendarmerie de Caen ouverte en février, "il y a des éléments sérieux" qui justifient cette comparution, a indiqué M. Gaudeul, tenant à souligner le principe de la présomption d'innocence.
La procédure fait suite à une plainte en mai 2011 du prédécesseur à la mairie (entre 2001 et 2008) et concurrent commercial de M. Vannier, Patrick Gaulois (UMP), et de son épouse contre son rival, maire du Mont depuis 1983 (sauf entre 2001 et 2008).
Eric Vannier possède une trentaine de commerces au Mont et sur la côte en face du Mont, selon un fonctionnaire du canton. Patrick Gaulois y possède, lui, plusieurs commerces et son épouse est l'un des huit administrateurs de la Sodetour, qui a de nombreux commerces sur la côte en face du Mont.
La justice cherche à savoir si M. Vannier s'est servi de sa position d'élu pour faire valoir ses intérêts personnels.
En tant que maire du Mont, M. Vannier est membre du syndicat mixte qui gère le projet de rétablissement du caractère maritime du Mont Saint-Michel et qui a choisi le nouveau mode d'accès au Mont.
Un choix qui date d'octobre 2009, lorsque le syndicat mixte a confié à Veolia le nouveau parking et la mise en place des navettes. La polémique n'a cessé d'enfler depuis.
Les touristes se plaignent d'avoir à marcher deux à trois km aller-retour et les professionnels du tourisme affichent une importante baisse de la fréquentation sur un site classé au patrimoine mondial de l'Unesco et peu sensible habituellement aux aléas de la conjoncture.
C'est la raison pour laquelle le président du syndicat mixte, le président de la région Basse-Normandie Laurent Beauvais (PS), s'apprête à lancer lundi une renégociation avec Veolia pour faire partir les navettes directement du parking à partir du printemps prochain.
Le tribunal administratif de Caen s'était déjà prononcé sur la question d'un conflit d'intérêts éventuel impliquant M. Vannier dans une décision du 12 juillet 2011, déboutant la société Sodetour de sa demande d'annulation de la décision de confier à Veolia le nouveau parking et les navettes.
www.20minutes.fr/article/1030700/navettes-mont-saint-michel-maire-site-correctionnelle