Image Karine VillardFrédéric Mitterrand : "Je déteste les soupçons !" Contesté dans le milieu culturel après une série de nominations, le ministre de la Culture répond à Cécile Amar du JDD et revendique son droit à décider.
Dans le monde du théâtre, on s’indigne de la nomination de Charles et Philippe Berling à la tête du nouveau Théâtre de Toulon... C’est au contraire une bonne idée. Il n’y avait pas de théâtre à Toulon, c’est une chance formidable pour cette agglomération de 250.000 habitants. L’idée vient d’une conversation que j’ai eue avec les frères Berling. Je ne les connaissais pas, je les ai vus au cinéma comme tout le monde. Ils sont venus me voir, ils voulaient s’occuper d’un théâtre. Les nominations, c’est un sujet toujours sensible, vous savez… Ils m’ont dit qu’ils étaient originaires de Toulon, qu’ils voulaient travailler autour de la Méditerranée. Il y avait donc une adéquation inattendue qui méritait qu’on réfléchisse. Le maire de Toulon, Hubert Falco, voulait un théâtre, les frères Berling l’ont rencontré, ils ont conçu un projet, voilà.
Cette nomination est le fait du prince ! Ce nouveau Théâtre de Toulon demande à être labellisé scène nationale, mais la procédure n’a pas été respectée. Le directeur de Châteauvallon a été laissé à l’écart de cette décision, et lui aussi voulait ce statut de scène nationale… Il n’y a pas de procédure, il y a des usages. En aucune manière, le ministre n’outrepasse les fonctions qui lui sont dévolues. Tout s’est fait de manière claire. Ce n’est pas contre Châteauvallon qui est un endroit formidable. Je vais aller à Toulon d’ici un mois et demi. Sur les attributions de label, je suis prudent. Il y a 1.500 théâtres aidés en France, je vais me plonger dans les différents labels qui existent et voir ce qui est le plus adapté. Ce n’est pas un ministre qui décide du haut de son Olympe, il y aura une réflexion partagée.
Charles Berling est un ami de Carla Bruni-Sarkozy… Arrêtons tout ça, c’est honteux ! Si on doit écouter tout ce que les gens disent, on ne s’en sort jamais. Je suis aussi le neveu de François Mitterrand, le neveu d’Eugène Deloncle, qui était fasciste, et je suis copain avec le prince Charles, j’aime Manuela la chanteuse des Puces (elle y chante Piaf dans un café)…
"Les artistes ne sont pas des fonctionnaires"Ces soupçons vous touchent ? Ça me touche parce que ce sont toujours les mêmes soupçons et je déteste ça. Il y a au moins une chose de bien en ce qui me concerne, c’est que je parle vrai ! Je n’ai vraiment pas l’impression d’avoir nommé un ami quelque part. Jean-Marie Besset, à Montpellier, ça a fait un tourbillon dans le Landerneau. Je le connais comme auteur, j’ai vu ses pièces, c’est tout. La situation était compliquée, le choix s’est fait en accord avec le maire et les élus locaux.
Mais il y a des procédures, avec des appels d’offres, des short lists et, à Montpellier aussi, elles n’ont pas été respectées… Je vous l’ai dit, il n’y a pas de procédure, juste des usages, c’est l’Etat qui finance majoritairement les centres dramatiques nationaux (CDN) et le ministre a une politique, oui, il fait des choix.
Mais dans d’autres pays, c’est différent… Mais en France, c’est ainsi.
Ceux qui paient décident, c’est ça la règle ? Ceux qui financent ont droit à la décision, et ceux qui paient, ce sont vous les contribuables. Il vaut mieux que ce soit les contribuables qui décident plutôt qu’une administration. Les choses se passent dans la plus grande concertation, en contact étroit avec les maires, les élus locaux. La règle, validée par les Entretiens de Valois (cycle de discussions consacrées au spectacle vivant), est qu’on peut faire deux mandats, éventuellement un troisième, mais qu’ensuite, on laisse la place. Les directeurs de CDN partent avec 150.000 euros par an pendant trois ans et 50.000 euros de plus pour une coproduction, ils partent donc avec 500.000 euros. On ne laisse pas les gens sans rien. Quand un créateur repart comme ça au bout de neuf ans, il devrait être content, il peut continuer à créer. Les artistes ne sont pas des fonctionnaires.
Avez-vous parfois changé d’avis sur des nominations ? Oui, bien sûr. Aux Amandiers, par exemple. Jean-Louis Martinelli avait fait trois mandats, je pensais le remplacer. Je l’ai écouté, je suis allé voir son travail, j’ai écouté le maire de Nanterre, le président du conseil général, j’ai infléchi ma position, il est resté et je m’en félicite. Pour la Biennale de la danse à Lyon, j’ai évolué aussi. On avait mis en place un appel d’offres avec les élus locaux. A son issue, un candidat avait un léger avantage mais le maire de Lyon a tenu à solliciter Dominique Hervieu, elle était très intéressée. Quand quelque chose peut se construire, je l’accepte. Quant au Théâtre de Chaillot, il restera bien dévolu à la danse.
Que se passe-t-il au Théâtre de l’Est parisien ? La personne qui s’en occupe s’est donnée sans compter, mais elle est là depuis 2002, on n’est pas installé à vie dans un théâtre. Je souhaite faire un grand théâtre francophone à Paris, pas juste avoir 100 places à La Villette. Depuis quand n’a-t-on pas monté de textes de René Depestre ? Ou d’Aimé Césaire ? Au TEP, le travail avec le jeune public a été formidable. Qu’on ne vienne pas me dire que j’abandonne ce public-là ! On va faire quelque chose pour eux, mais ailleurs, c’est tout. Un ministre travaille seize heures par jour, il ne peut pas toujours recevoir chaque personne au moment idéal. Je ne crois pas avoir commis une seule injustice depuis que je suis Rue de Valois.
"On arrête l’agitation, on se calme"Pourquoi est-ce que personne ne dirige le Centre national du livre (CNL) depuis un an ? C’est typiquement le genre de problème où un ministre s’use la santé avant de trouver la réponse. Je voulais séparer les fonctions de directeur du livre et de président du Centre national du livre à l’issue de la grande réforme du ministère. Ils étaient liés pour des raisons juridiques qui échappent au commun des mortels, fût-il ministre ! En clair, il fallait modifier des textes et cette procédure prend du temps.
C’est toujours Jean-François Colosimo ? Oui, c’est mon choix. Jean-François Colosimo est un homme tout à fait remarquable, il a été un formidable directeur des Editions du CNRS, il sera nommé dans les prochains jours.
On dit que vous avez voulu remplacer Stuart Seide au Théâtre du Nord, à Lille, contre l’avis de Martine Aubry ? Non, jamais. Je ne prendrai jamais une telle décision sans appliquer l’usage, c’est-à-dire partager la décision avec l’élu local, en l’occurrence, Martine Aubry. L’action culturelle à Lille est remarquable. Stuart Seide y contribue. Je ne veux pas casser un lien si fort avec la Ville, les associations, comme c’est aussi le cas à Lorient. C’est comme si on avait dit à Jean Vilar : "Partez, vous êtes là depuis le début !" Ou comme si on disait à Gilles Jacob, à Cannes : "Vous êtes là depuis trente ans, partez !" C’est pour ça que je veux des usages souples, et pas des procédures. Les décisions, c’est moi qui les prends.
Dans l’audiovisuel aussi ? Non, la loi, votée par le Parlement, dit que le président de la République nomme le président de France Télévisions.
C’est une bonne loi ? Oui, j’ai fait trente ans de télévision, j’ai vu l’hypocrisie du système antérieur. Il y a le CSA ; son président Michel Boyon est un homme pour lequel j’ai beaucoup d’estime. L’avis du CSA est obligatoire, celui des commissions parlementaires aussi. La procédure est très encadrée. Vous croyez que l’Etat, comme à certaines époques, est encore là pour mettre la main sur l’audiovisuel ? Vous croyez qu’on fait dire aux journalistes ce qu’on veut ? C’est faux.
Mais il y aura toujours un soupçon ? Oui, en France, il y a toujours le soupçon. Relisez La Bruyère, Saint-Simon, on soupçonnera toujours l’Etat. Il me semble que la marge de manœuvre du ministre était plus faible avant. Désormais, il peut en parler avec le Président, lui dire ce qu’il pense, donner son avis. Ça m’amuse de voir qu’on s’agite à ce point.
L’Etat a-t-il poussé Emmanuel Hoog à la tête de l’AFP pour libérer la présidence de l’INA pour Jean-Jacques Aillagon et laisser Versailles à Xavier Darcos ? Toujours la rumeur folle! Je n’ai jamais entendu cette histoire-là !
Jean-Jacques Aillagon doit-il rester à Versailles ? Je ne peux pas vous répondre, je ne sais pas ce que veut Jean-Jacques Aillagon. Il y a un problème de limite d’âge. Personnellement, je trouve que Jean-Jacques Aillagon est excellent à Versailles, il a incarné de manière brillante ce que doit être le patron d’un des établissements les plus prestigieux de la République. La réflexion se poursuit, ça semble de la langue de bois, mais c’est la vérité. J’ai reçu Jean-Jacques il y a trois jours, on a passé deux heures à réfléchir sur ce qu’il faut faire au Château de Versailles. Je veux juste dire: "On arrête l’agitation, on se calme."
Et Xavier Darcos, vous l’avez vu ? Je l’ai vu en Conseil des ministres pendant longtemps, je l’ai eu au téléphone récemment. C’est un homme de grande qualité, il serait bien à Versailles. Mais la liste des prétendants à Versailles est très longue !
www.lejdd.fr/Culture/Theatre/Actualite/Frederic-Mitterrand-Je-deteste-les-soupcons!-188493/Frédéric Mitterrand a fait annuler deux concerts au LouvreLe ministère évoque des impératifs de sécurité, mais les organisateurs affirment que Carla Bruni-Sarkozy est intervenue.
www.rue89.com/2010/04/27/pourquoi-mitterrand-a-fait-annuler-deux-concerts-au-louvre-149212Carla Bruni a-t-elle inspiré la nomination de François Baudot comme inspecteur général de l'administration des affaires culturelles (IGAC) ? L'affaire agite les hauts fonctionnaires de la Rue de Valois qui, depuis quelques semaines, pestent contre ce coup de pouce, à leurs yeux injuste.
www.lepoint.fr/actualites-medias/2009-12-26/parachutage-l-ombre-de-carla-bruni-sur-une-nomination-a-la-culture/1253/0/408437Frédéric Mitterrand reprend à son compte le rapport Zelnik"Je veux promouvoir avant tout le dialogue et la concertation, mais en même temps, je souhaite obtenir le résultat préconisé par le rapport Zelnik", a-t-il martelé.
www.commentcamarche.net/news/5851109-frederic-mitterand-reprend-a-son-compte-le-rapport-zelnik