"Le Milieu n’est plus un pont mais une faille" Le rapport alarmant du Club des 13 Ce rapport inquiétant, rédigé par un groupe de treize personnalités (dont Pascale Ferran, Jacques Audiard et Claude Miller), met les pieds dans le plat parfois nauséabond de l’économie du cinéma français.
Parmi les principaux motifs d’inquiétude : La perte d’influence du producteur, au profit, notamment, des chaînes de télévision. Ces dernières financent en partie le cinéma (la loi les y contraint) mais privilégient des "produits" susceptibles de satisfaire l’audimat (et de rafler les recettes publicitaires afférentes) lors de leur diffusion cathodique. A la limite, peu importe la qualité du film et son destin commercial lors de son exploitation en salles…
La bipolarisation dramatique dans la production. D’un côté d’énormes budgets, en constante augmentation, alloués à des films la plupart du temps ultra-prévisibles. De l’autre des financements minimaux pour des fictions vouées de ce fait à la ghettoïsation. Au "milieu" -là où se niche la diversité- des films ambitieux à vocation populaire qui souffrent (pour les budgets moyens -4 à 7 millions d’euros- seulement 19 films produits en 2006, contre 49 en 2004).
Le formatage des scénarios, lié aux diktats télévisuels et à l’autocensure qui en découle :
- "Il faut écrire des films qui puissent être financés par les télévisions si l’on ne veut pas prendre le risque de devoir soit abandonner son projet, soit le tourner dans des conditions qui le mettent en péril.
- "D’une certaine façon, les télévisions n’ont même plus à intervenir frontalement sur le scénario. La beauté du système, sa puissance, réside même en cela: dans la majorité des cas, les réalisateurs et leurs producteurs, ont intégré tout ou partie de leurs demandes implicites dès la conception du film." (p.35)
Selon le même principe de l’uniformisation, la prédominance sur les écrans d’une poignée de comédiens jugés "incontournables" par les décideurs et donc systématiquement privilégiés. ("La liberté totale de casting est devenue en France une exception.", p.41). Corollaire: le rôle prépondérant des agents ("plus difficiles à joindre que les artistes qu’ils représentent"), faisant parfois la pluie et le mauvais temps dans le métier.
La précarisation (voire la paupérisation) dont souffrent de très nombreux scénaristes, maillons pourtant essentiels dans la fabrication des films.
Treize mesures pour rénover les systèmes d'aide existant : Le Club des 13 propose dès aujourd’hui treize mesures concrètes, certaines revisitant les systèmes d’aide existants, histoire de renouer avec une philosophie originelle depuis longtemps pervertie.
Parmi ces propositions :
-Le doublement de la dotation de l'avance sur recettes (stable depuis 15 ans -enveloppe moyenne: 400 000 euros par film- alors que les budgets de production ont explosé).
-Le versement du Fonds de soutien automatique production généré par un film au seul producteur délégué (c’est-à-dire au réel initiateur du projet et non aux multiples ayant-droits).
-7,5% de ce fond de soutien réservé à l’écriture.
-Une majoration de 25% de ce fonds de soutien pour les distributeurs investissant dans des films produits sans les chaînes de télévision.
-La suppression de ce fonds de soutien pour les sociétés adossées à un diffuseur (chaînes cathodiques et groupes de télécommunications).
-La création d’une taxe de 5,5% sur toutes les marges arrière, "venant abonder l’assiette du CNC et financer l’équipement numérique des salles indépendantes et la dotation de l’avance sur recettes".
Olivier de Bruyn
www.rue89.com/2008/03/27/cinema-francais-le-rapport-alarmant-du-club-des-13 Le rapport à télécharger www.afcinema.com/IMG/pdf/Le_Club_des_13_rapport_3_.pdf Plus www.cahiersducinema.com/article1548.html