Sur le vote blanc, les politiciens s'abstiennent toujoursDeux propositions de loi relancent une vieille idée : compter les bulletins vierges comme un vote à part entière. Plus démocratique ?
Lutter contre l'abstention et la montée du FN en reconnaissant le vote blanc : à un an de la présidentielle, l'idée revient à la mode. Deux propositions de loi sur le sujet viennent d'être déposées. Deux de plus, car on ne compte plus les tentatives. Elles ont toutes échoué.
C'est un vieux débat, rouvert après chaque traumatisme électoral. Le choc 21 avril 2002 avait ainsi poussé Hervé Morin puis Laurent Fabius à s'engager pour la reconnaissance du vote blanc. Sans succès.
Le débat ressurgit logiquement à l'approche de la présidentielle. La semaine dernière, une association de Bobigny, la BAC (pour… « Balle au centre »), a même annoncé qu'elle comptait présenter «
un candidat de l'abstention ». De son côté, le
Parti du vote blanc continue à réclamer la réécriture du code électoral.
Le vote blanc plutôt que l'abstention ou le vote FNEt si le Parlement se penchait vraiment sur la question ? Deux nouvelles propositions de loi passées presque inaperçues ont été déposées dans la foulée des cantonales. Des élections marquées par un taux d'abstention de 55% et le retour en force du FN.
Chacun de leur côté, le sénateur centriste de la Somme Daniel Dubois et le député UMP du Nord Thierry Lazaro font le même constat et la même suggestion :
- faute d'être pris en compte, les électeurs ne se reconnaissant dans aucun candidat seraient tentés par l'abstention ou le vote pour les extrêmes ;
- la solution serait de donner aux bulletins blancs la même reconnaissance qu'aux bulletins portant le nom d'un candidat, en les comptabilisant dans les suffrages dits « exprimés ».
Lors des dépouillements, les bulletins blancs sont pour l'instant comptabilisés avec les bulletins nuls, par exemple les enveloppes contenant des messages injurieux à l'égard d'un candidat. Le message n'est pourtant pas tout à fait le même.
Or, les scores des candidats sont calculés à partir du nombre de bulletins portant leurs noms, les fameux suffrages « exprimés ». Inclure les votes blancs dans le calcul relativiserait les performances de certains élus. « Il faut que les politiques apprennent l'humilité », nous explique Thierry Lazaro.
L'ex-auteur des Guignols Bruno Gaccio militant du vote blancSon collègue du Sénat a pensé à l'aspect pratique. Plus besoin de se munir d'une feuille blanche avant de se rendre au bureau de vote : une pile de bulletins blancs y serait disponible, « en nombre correspondant à celui des électeurs inscrits ».
Voilà qui devrait réjouir les militants du vote blanc, comme l'ex-Guignol Bruno Gaccio. Seulement, ces deux propositions de loi risquent de ne déboucher sur rien. Comme les précédentes.
En janvier 2003, l'Assemblée nationale a bien adopté une proposition de loi sur le vote blanc, mais elle ne l'a toujours pas transmise au Sénat. Il faut dire qu'elle avait vidé de sa substance le texte original, déposé notamment par Hervé Morin : d'accord pour comptabiliser officiellement les bulletins blancs, sans les confondre avec les bulletins nuls, mais pas question de les inclure dans les suffrages exprimés.
Cette reconnaissance minimale était justement la solution retenue par les socialistes dans une autre proposition de loi, déposée au même moment à l'initiative de Laurent Fabius. Et jamais soumise en séance à l'Assemblée.
A ce nouveau droit pour les électeurs s'ajoutait un devoir, celui de voter : la participation aux élections serait obligatoire, sous peine d'une amende de 30 euros. Au lendemain des dernières cantonales, Laurent Fabius défendait encore ce principe.
(Voir la vidéo)www.bfmtv.com/front_office/sig/iLyROoafzGv4Si les bulletins blancs sont pris au sérieux, les abstentionnistes n'ont plus d'excuses : c'est aussi l'opinion du député UMP Thierry Lazaro. En complément de sa proposition de loi sur le vote blanc, il en a déposé une autre, sur le vote obligatoire. Cette fois-ci, l'amende serait fixée à 15 euros, mais elle grimperait à 45 euros en cas de récidive.
Pour les parlementaires favorables à une meilleure reconnaissance du vote blanc, donc, celle-ci ne suffirait pas à régler tous les problèmes. Elle pourrait même en créer de nouveaux.
Annuler le scrutin si le vote blanc dépasse 30%Aujourd'hui, le vote blanc ne représente qu'une petite partie des suffrages : au second tour de la présidentielle de 2007, par exemple, on n'a compté que 1,44% de bulletins blancs ou nuls dans les urnes. Mais en cas de vague blanche, le pourcentage du candidat élu fonderait : quelle serait alors sa légitimité ?
En 2010, le député UMP de l'Isère Jacques Remiller a tenté d'apporter une réponse avec sa propre proposition de loi sur le vote blanc.
C'est simple : il suffit d'annuler le scrutin et d'en organiser un autre le dimanche suivant « s'il y a plus de 30% de bulletins blancs dans les urnes ». Ce texte, déposé un 1er avril, n'a pas été pris au sérieux : comme les autres, il prend la poussière sur les étagères du Parlement.
François Krug
www.rue89.com/idees-land/2011/06/08/sur-le-vote-blanc-les-politiciens-sabstiennent-toujours-203454 Signez l'appel pour un candidat représentant l'abstention !www.bac-bobigny.com