La langue française expulsée de l’enseignement supérieur et de la recherchePétition demandant le retrait immédiat des projets de loi qui visent à marginaliser la langue française dans l'enseignement supérieur et la recherche, c'est-à-dire du projet de loi ESR dit "Fioraso" et de la proposition de loi relative à l'"attractivité universitaire de la France" déposée le 12 février 2013 au Sénat.
Le projet de loi sur l’enseignement supérieur et la recherche (ESR), porté par Madame Fioraso, doit être présenté en Conseil des ministres à la fin du mois de mars avant d’être débattu au Parlement. Il prévoit, comme le montre sa version en date du 8 février 2013, de porter un coup sévère à l’emploi de la langue française dans l’enseignement supérieur et la recherche. Aucun des amendements du CNESER retenus par le ministère fin février ne corrige les atteintes programmées.
Le code de l’éducation précise, aujourd’hui, en son article L. 121-3 que « la langue de l’enseignement, des examens et concours, ainsi que des thèses et mémoires dans les établissements publics et privés d’enseignement est le français, sauf exceptions justifiées par les nécessités de l’enseignement des langues et cultures régionales ou étrangères, ou lorsque les enseignants sont des professeurs associés ou invités étrangers ».
L’article 2 du projet de loi ESR doit ajouter à cet extrait : « ou lorsque les enseignements sont dispensés dans le cadre d’un accord avec une institution étrangère ou internationale tel que prévu à l’article L. 123-7 ou dans le cadre de programmes bénéficiant d’un financement européen ».
Cet ajout étend considérablement les possibilités d’emploi de l’anglais – puisqu’aucune autre langue étrangère n’est réellement promue en France – dans l’enseignement supérieur. [...]
L’article 2 du projet de loi ESR ne suffisant pas à calmer les ardeurs des plus farouches pourfendeurs du français, 36 sénateurs du groupe socialiste, dont l’un de ses vice-présidents délégués, ont déposé au Sénat le 12 février 2013 une proposition de loi « relative à l’attractivité universitaire de la France »[3] qui aggrave encore les objectifs funestes de Madame Fioraso.
L’ « exposé des motifs » de cette proposition de loi feint de découvrir qu’existe une compétition entre universités au niveau planétaire alors que ce qui est – vraiment – nouveau, et qui est tu, c’est qu’un modèle d’inspiration anglo-saxonne, reposant sur la domination exclusive de l’anglais dans toutes les disciplines, est en train d’être imposé, de l’intérieur, au monde de l’enseignement et de la recherche en France. [...]
L’article 6 de ce projet de loi sénatorial [...]instaure la possibilité – bientôt l’obligation, peut-être – pour tout un chacun, étranger ou français, de suivre un cursus universitaire intégralement en anglais. Par exemple, il sera possible qu’un Français suive, en France, une formation en anglais de comptabilité sans connaître aucun des termes comptables dans la langue française ! [...]
Le français n’est pas un frein à nos échanges universitaires et scientifiques avec le monde : c’est tout le contraire ! Le préjugé qui motive les deux textes législatifs dénoncés plus haut est que la langue française est un frein aux échanges entre nous, Français, et le reste du monde.
Or, cette façon d’aborder la question témoigne d’une accumulation dramatique d’erreurs de perception. En effet :
-le français est une langue qui demeure considérablement apprise et appréciée à l’étranger, notamment pour sa précision, sa clarté et la résistance qu’elle offre – au corps défendant des gouvernements français – au rouleau compresseur de l’anglo-américain.
-affirmer volontairement la suprématie de l’anglais sur le français revient par la même occasion à mépriser tout particulièrement les pays francophones, qui n’auraient pas de raison de le demeurer, dès lors que nous leur demanderions l’anglais pour toute coopération sérieuse avec eux. C’est envoyer un signal particulièrement négatif à tous ceux qui, dans le monde, voudraient apprendre le français.
-renoncer à toute promotion du français à l’extérieur de nos frontières revient, en fait d’ouverture, à faire preuve d’un détestable repli. Cela revient à cantonner notre langue à une image d’Épinal idiote de « trésor culturel », qu’il faudrait mettre sous cloche de peur qu’il ne vive.
-promouvoir l’anglais, c’est ignorer que les Français s’expriment mieux, pensent mieux, créent mieux en français et donc échangent mieux en français, leur langue maternelle, qu’en anglais : pourquoi renoncer au français qui nous apporte confort et efficacité ?
-adopter le principe de l’anglais comme langue internationale exclusive revient à accorder, à l’inverse, un atout décisif à nos compétiteurs anglophones de naissance. Ce qui est constitutif d’une distorsion de concurrence inacceptable.
-croire que l’on va attirer des étudiants et professeurs étrangers parce que les enseignements seraient en anglais est un contre-sens burlesque : ils ne viennent pas en France parce que l’on y parle l’anglais, mais... parce que l’on y parle le français justement ! Et aussi parce que c’est une nation réputée pour l’excellence de son enseignement et de sa recherche.
-imposer l’anglais au sein des colloques internationaux et dans les revues scientifiques supprime tout recours à la traduction, qui présente l’avantage de laisser chacun s’exprimer dans la langue qu’il maîtrise le mieux, donc avec un maximum d’aisance, de nuance, de précision et de rigueur. Aucune promotion ni préservation de la diversité linguistique ne sont, du reste, possibles sans la traduction. Selon la formule chère à Umberto Eco, « la langue de l’Europe, c’est la traduction », ce n’est pas l’anglais.
-le recours systématique à l’anglais occasionne une double traduction, source de malentendus, d’erreurs et d’appauvrissement, dès lors que les deux interlocuteurs qui y recourent ne sont ni l’un ni l’autre de langue maternelle anglaise.
-l’imposition de l’anglais conduit à faire primer la compétence linguistique sur la compétence professionnelle et donc à classer, par construction, les enseignants et chercheurs francophones dans une communauté scientifique « de deuxième classe » : c’est en faire des « torchons », bien séparés des « serviettes » des pays anglophones. La France, dès lors, se réservera les étudiants étrangers qui, d’abord, auront été refusés par les universités anglo-saxonnes.
-le renoncement au français encourage les avocats d’une prétendue supériorité de l’anglais, conception digne des pires théories racistes du vingtième siècle. Il conforte également les Français qui, par snobisme ou par peur, professent leur indifférence face au passage au tout anglais, alors qu’une part grandissante de la communauté scientifique souffre silencieusement de cette angoissante dépossession linguistique et sombre dans l’autocensure.
-une langue n’est pas neutre mais au contraire porteuse de valeurs et d’un imaginaire propres : imposer l’anglais revient à imposer une pensée et une culture étrangères. À terme, cela revient également, à abandonner le pouvoir aux anglophones.
-abattre sa propre langue est, enfin, la manifestation d’une incompréhensible haine de soi et d’une volonté politique d’automutilation et d’« autocolonisation » pour reprendre le terme de Dominique Noguez dans La colonisation douce. Pareille décision, d’une part, humilie l’enseignement supérieur et la recherche française et, d’autre part, appelle de la part de nos partenaires étrangers le plus profond mépris à notre endroit.
Le projet de loi ESR et la proposition des 36 sénateurs prétendent remédier à « l’attractivité universitaire de la France » et font de la langue française une ennemie de cette attractivité, quand elle est précisément un atout reconnu comme tel par le reste du monde !
Ils ont pour objectif la provincialisation du français afin de mieux transformer la France en une banale province d’un vaste ensemble euro-atlantiste anglophone. Existe-t-il d’ailleurs encore une « France » et un « nous », c’est-à-dire une communauté nationale, dès lors que la langue française est marginalisée ?
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